LA MALADIE DE HORTON

S. DURUPT Service de Médecine Interne, Centre Hospitalier Lyon Sud, 69310 Pierre Bénite. Correspondance : S Durupt, Service de Médecine Interne, pavillon IK, Centre Hospitalier Lyon Sud, 69310 Pierre Bénite. Article reçu le 26 mars 1998 ; accepté le 15 janvier 2000

Lartérite temporale ou maladie de Horton est une artériopathie inflammatoire, de cause inconnue, touchant particulièrement les sujets âgés. Cette artérite atteint surtout les branches de la carotide externe, mais nimporte quelles artères de lorganisme peuvent être touchées. Lexpression clinique est souvent caractéristique et permet den porter le diagnostic, pour débuter rapidement le traitement corticoïde qui, seul, permet dobtenir la disparition rapide de la symptomatologie et empêche lapparition de la principale complication de cette maladie : la cécité.

ANATOMO-PATHOLOGIE Le diagnostic de certitude de la maladie de Horton repose sur laspect anatomopathologique de la biopsie de lartère temporale, qui réalise une pan artérite, touchant lensemble de la paroi. La biopsie est réalisée sous anesthésie locale. Trois types de lésions sont présentes : - une destruction des fibres musculaires de la média ; - un infiltrat de la paroi artérielle par des cellules sanguines (lymphocytes, polynucléaires, plasmocytes&) ; - une destruction de la limitante élastique interne, lésion constante et indispensable au diagnostic. Le problème est le risque de résultat faussement négatif de la biopsie, lié à la localisation segmentaire de lartérite. Ceci impose parfois une biopsie controlatérale.

DIAGNOSTIC

  1. Signes cliniques évocateurs La maladie de Horton apparaît presque toujours après 50 ans, avec un maximum de fréquence vers 70 ans ; elle touche deux fois plus souvent la femme que lhomme. Le début est souvent progressif et insidieux. Les céphalées sont le symptôme le plus fréquent ; dautres signes peuvent être présents (tableau I) ; ils sassocient de manière diverse :
    1. les signes généraux sont surtout représentés par lasthénie et lanorexie. Lamaigrissement est le plus souvent modéré. La température oscille entre 37°5 et 38°.
    2. les céphalées sont pratiquement toujours présentes, à un moment ou à un autre de lévolution. Dans les cas typiques il sagit de douleurs superficielles, accentuées par le contact et intéressant les régions temporales ou fronto-temporales. Lexamen clinique de ces régions peut être normal ou permet de noter labolition dun pouls. Plus rarement on retrouve un aspect saillant et inflammatoire du trajet de lartère.
    3. les manifestations ophtalmologiques dominent le pronostic de la maladie de Horton. Il sagit dune cécité, qui peut sinstaller rapidement, en rapport avec une oblitération des artères rétiniennes. Cette complication est parfois annoncée par des signes transitoires : brouillard visuel régressif, diplopie intermittente. Ces signes doivent donner lalerte et conduire à la mise en route immédiate dune corticothérapie, seule capable déviter la perte de lacuité visuelle, qui une fois installée est irréversible. · les manifestations rhumatologiques peuvent être des douleurs articulaires. Dans près de 50 % des cas on rencontre un tableau de pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR). Il sagit de douleurs des ceintures scapulaires et pelviennes, sans anomalie osseuse ou articulaire locale. Les hanches et les épaules sont raides, le matin au réveil et pendant plus dune heure.
  2. Autres manifestations cliniques Ces manifestations sont moins classiques mais témoignent de la diffusion du processus pathogène. · Une atteinte des gros troncs artériels est ainsi possible surtout au membre supérieur ; cela entraîne labolition dun pouls. Latteinte de laorte est possible dans ce cadre là, pouvant aller jusquà une dissection ou une rupture aortique. · Les manifestations neurologiques sont rares ; des accidents vasculaires cérébraux, par migration dun embol à partir dune lésion spécifique de gros vaisseaux du cou, sont disponibles. Il existe aussi parfois une atteinte des nerfs périphériques responsable de mononévrite ou de multinévrite. · Plus rarement la maladie de Horton peut toucher le poumon avec lapparition dune toux. La radiographie des poumons peut montrer des opacités nodulaires dans le parenchyme ou parfois un épanchement pleural. Une nécrose du scalp ou de la partie antérieure de la langue sont aussi possibles, témoignant de la grande diffusion de lartérite dans le territoire de la carotide externe.
  3. Biologie Il existe un syndrome inflammatoire avec une élévation de la vitesse de sédimentation (VS) le plus souvent au-dessus de 100 millimètres à la première heure. Les autres paramètres de linflammation sont également élevés : fibrinogène, C Réactive Protéine (CRP), alpha 2-globuline. La numération formule plaquettes met en évidence le plus souvent une anémie microcytaire, inflammatoire. Une hyperleucocytose est fréquente. On rencontre assez souvent une élévation des enzymes hépatiques, en particulier des phosphatases alcalines et de la 5nucléotidase. Par contre, il nexiste pas de perturbation des tests immunologiques (ACAN, Latex Waler Rose).

EVOLUTION En labsence de traitement, le risque essentiel est la possibilité de cécité, parfois bilatérale. Le traitement corticoïde reste le traitement de référence. La maladie est très corticosensible, avec une amélioration spectaculaire des symptômes ( douleurs et fièvre) en quelques heures. Létat général saméliore en quelques jours et le syndrome inflammatoire disparaît en quelques semaines. La difficulté principale est la corticodépendance qui se manifeste par la réapparition des symptômes lors de la décroissance des corticoïdes ; ceci impose le maintien des corticoïdes, parfois à des posologies élevées et est responsable des complications iatrogènes (tableau II).

PRINCIPES DU TRAITEMENT

  1. La corticothérapie Cest la thérapeutique essentielle. La prednisone est le plus souvent utilisée à la posologie de 1 mg/kg/j. La posologie est réduite dès la disparition des signes cliniques et biologiques, mais ceci de façon très progressive en réalisant des paliers. La diminution de la posologie sera prudente en dessous de 20 mg/j et toute élévation de la VS impose de prolonger le plateau ou de revenir à la dose précédente. Généralement, la durée totale de traitement varie entre 18 et 36 mois ; seuls 30 % des malades ont pu arrêter la corticothérapie dans ces délais et il nest pas rare que des traitements prolongés dépassant 4 ans soient nécessaires. Cette longue durée de corticothérapie impose, pour diminuer au maximum les complications, des traitements associés : régime sans sel, apport de calcium et de vitamine D pour réduire la déminéralisation osseuse.
  2. Autres possibilités thérapeutiques Elles sont utilisées en cas de corticodépendance mal tolérée. · La disulone, à la posologie de 50 à 100 mg/j, permet de réduire la dose de corticoïde ; ses effets secondaires, essentiellement cutanés et hématologiques (agranulocytose et hémolyse en cas de déficit en G6PD), limitent son utilisation. · La chloroquine est parfois proposée pour son effet sur les symptômes ostéo-articulaires. Lefficacité de ce traitement na toutefois jamais été démontrée de manière convaincante. · Les immunosuppresseurs (méthotrexate, cyclophosphamide) sont parfois proposés lorsque la corticothérapie est mal tolérée. Leur emploi nest pas codifié.

CONCLUSION La maladie de Horton est une artérite inflammatoire particulière par : - sa topographie, atteignant surtout les artères de gros et de moyen calibre, essentiellement le territoire céphalique ; - son aspect histologique à la biopsie ; - sa survenue chez les sujets âgés. Son traitement repose sur une corticothérapie prolongée, dont lobjectif essentiel est de réduire la fréquence des complications oculaires. Les effets secondaires des corticoïdes sont fréquents, mais certains peuvent être lobjet dune prévention.

REFERENCES · La maladie de Horton. F LIOZON. Ann Med Intern 1989 ; 140 : 122-41. · Bénéfice des corticoïdes lors du traitement de la maladie de Horton et de la pseudopolyarthrite rhizomélique : avantages et inconvénients. Une méta-analyse. T GENEREAU, J CABANE. Rev Med Interne 1992 ; 13 : 387-91.